Risque industriel en période de covid-19 : quid de l’impact du fonctionnement dégradé ?
Si les industries aspirent toutes à un fonctionnement optimal permanent, elles connaissent toutes différentes phases de fonctionnement telles que les phases de démarrage, de réglage ou encore de maintenance. La crise sanitaire actuelle apporte un mode de fonctionnement différent qui perdure dans certains cas et que l’on appelle le «mode dégradé». Ce mode dégradé peut faire suite à des situations telles que la réorganisation industrielle, le fonctionnement avec du personnel en effectif réduit, l’utilisation de l’outil industriel en deçà de ses capacités habituelles, le décalage de certaines vérifications périodiques pendant l’état d’urgence sanitaire, la mise en place d’horaires décalés pour éviter les croisements de personnel, les entreprises extérieures qui ne peuvent plus réaliser les missions habituellement confiées, etc….
Le Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement définit l’expression de «fonctionnement en mode dégradé» comme étant un système dont l’exploitation est poursuivie ou dont on essaie de poursuivre l’exploitation sans pour autant disposer de toutes les ressources fonctionnelles nécessaires ou normalement prévues à l’issue de son analyse des risques, que ces ressources soient organisationnelles ou techniques.
C’est dans ce cadre que l’industriel doit s’assurer d’avoir mis en œuvre les bonnes mesures compensatoires lui permettant de conserver le niveau d’impact (cf étude d’impact pour les sites soumis à autorisation) ou de risque habituel (cf étude des dangers) pour lequel l’entreprise est autorisée à fonctionner.
Parmi les principaux points de vigilances lors d’un fonctionnement en mode dégradé des installations industrielles (liste non exhaustive) :
- Volet paysager : le plus commun et le moins impactant. S’assurer toutefois que le manque d’entretien ne vienne pas apporter un risque supplémentaire, tel que l’amoncellement de matière combustible (végétaux) pouvant entrainer une propagation d’un éventuel incendie, ou un disfonctionnement du site via un réseau d’eau bouché par des herbes, branches d’arbres gênant l’ascension des émissions atmosphériques, etc…
- Volet eaux pluviales : vigilance sur l’entretien des installations de traitement (bassin de décantation, séparateur d’hydrocarbures, etc…), l’absence ou l’irrégularité d’entretien pouvant dégrader le milieu récepteur dont la responsabilité incomberait alors à l’exploitant.
- Volet eaux de process : anticipation du maintien des conditions habituelles de traitement, en mettant en œuvre les moyens nécessaires pour éviter des situations de pollution ou non conformités suite à défaut de réactif nécessaire au traitement des eaux, absence du personnel en charge de la station de traitement, indisponibilité de l’entreprise extérieure en charge de la reprise des eaux en tant que déchet ou du maintien en service des installations de traitement, etc…
- Volet air : anticipation également du maintien des conditions habituelles d’émissions et de traitement des émissions avant rejets en cheminées ou émissaires (dispositifs de traitement opérationnels, stock de filtres, maintien de l’entretien, etc…).
- Pertes d’utilités ou modifications des scénarii d’exploitation : établir les conséquences des arrêts de réseaux (électricité, gaz, air comprimé, etc…) et vérifier les moyens mis en œuvre pour éviter un sinistre ou l’aggravation d’un sinistre prévu dans un scénario de l’étude des dangers. Une vigilance accrue sera portée sur les possibles défaillances au moment de l’arrêt, du redémarrage ou des fonctionnements à bas régime pouvant amener des défaillances sur les installations ou équipements suivants : réseau public d’incendie, installations de combustion, de traitement de surface, tours aéroréfrigérantes, portes coupe-feu, désenfumages, réseau informatique (cyberattaque), mise à l’arrêt complet d’un atelier, systèmes de sécurité, etc…
Dans ces circonstances particulières d’épidémie de covid-19 et de prolongation du mode de fonctionnement dégradé, l’exploitant soumis à autorisation ICPE à tout intérêt à relire son étude des dangers et son étude d’impact / volet sanitaire, afin de veiller au maintien des conditions d’exploitation. La vérification de la conformité aux dispositions de l’arrêté préfectoral d’exploitation ou de l’arrêté préfectoral d’enregistrement est également fortement conseillée.
Pour tous les sites ICPE, il est indispensable de vérifier que les arrêtés ministériels des rubriques ICPE pour lesquelles l'entreprise est classée sont toujours bien appliqués.